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COMPTE RENDU DE LA FORMATION

 

« La musique est la langue des émotions »

Emmanuel Kant Critique de la Faculté de juger

 

Une petite musique tintinnabule, me tirant soudain de mon sommeil. « Il faut que tu rédiges ton compte-rendu de formation de base du CIM ». C’est comme un petit ruisseau qui dans son roulis rafraîchissant chante à mon oreille une douce incitation. « Il est grand temps de te réveiller ». Plongée dans le ventre matriciel de la formation, en pleine régression, je ne suis plus que sensation, expérience. Difficile de quitter cette sphère enveloppante, cette bulle en laquelle je me délecte, je me complais depuis bientôt un an à raison d’une semaine en moyenne par mois. De quoi s’agit-il ? D’un espace au sein du CIM, centre international de musicothérapie, école mère en France de la musicothérapie (avant que celle-ci ne soit rattrapée par l’Université) et dirigée aujourd’hui par Sylvie Braun, présidée par Dominique Bertrand, école formant des musicothérapeutes et dont la référente pédagogique est Claire Malama. Comment suis-je arrivée au CIM pour cette formation ? Pour faire court sans raconter par toutes mes tergiversations, résistances et hésitations : je cherchais une formation qui m’accepte, alors que j’avais 58 ans et une formation qui puisse me permettre de retrouver une activité professionnelle. L’Université que j’avais contactée ne voulait pas de moi ; il me fallait trouver ailleurs. Une formation de 3 ans me semblait sérieuse. Et puis Claire Malama m’a ouvert la porte chaleureusement après un entretien tout en me disant que comme je ne lui semblais pas encore tout à fait prête, il fallait que je lui donne rapidement ma réponse définitive. C’est ainsi que je décidais finalement de m’engager corps et âme en cette formation.

LA FORMATION DE BASE Extérieurement elle se présente sous la forme de journées de formation d’une semaine, à raison de sept semaines réparties sur une période allant de 6 mois à un an. Cette répartition permet de réfléchir entre chaque semaine, d’approfondir et de travailler chacun à sa façon ce qui a été proposé, de ruminer, de digérer. Ce temps entre les semaines est bénéfique et nécessaire à l’apprentissage, à l’incorporation c’est-à-dire au fait de faire sien. Elle est assurée par des intervenants musicothérapeutes pour la plupart, qui font chacun part de leur spécialité et de leur façon de faire et nous mettent en situation soit de thérapeute, soit de patients de musicothérapie par des exercices qu’ils proposent.

Il ne me revient pas ici de détailler ce que chaque intervenant nous a fait faire et ce qu’il m’a apporté ce serait beaucoup trop long, tant il y a de richesse, mais plutôt de dire ce qu’a été cette formation pour moi. Mais là aussi je me heurte à un foisonnement de souvenirs, de sensations, d’émotions, de réflexions parmi lesquelles il est difficile de choisir. Et puis il y a ce qu’a été la formation au moment où elle a été délivrée et ce qu’est la formation aujourd’hui.

pour moi et ce qu’elle sera demain lorsque j’en serai à ma troisième semaine de pratique en stage. Je me rends compte que les choses changent. Là aussi il me faut trier! Mais commençons. Je retiendrai six points : le cadre, la dynamique de groupe, le bonheur du jeu et son sérieux, la diversité des intervenants comme champ des possibles, l’expérience de l’altérité et de la juste distance, l’écoute.

LE CADRE J’ai appris ce que c’était qu’un cadre en musicothérapie. Bon nombre d’intervenants ont insisté sur l’importance du cadre, tous en ont institué un lors de leur séance. Le cadre est bien ce qui protège le lieu de l’apprentissage, du soin ou de l’accompagnement et lui donne l’espace de liberté dont il a besoin pour avoir lieu. Il est intéressant de voir de quoi il est fait. J’ai remarqué que la formation elle-même avait un cadre avec son rituel de début et son rituel de fin. C’est de celui-là que je choisis de parler parce qu’il m’a touché et que je le trouve remarquable. C’est Sylvie Braun qui commence la formation en proclamant la naissance du groupe 82 et c’est Dominique Bertrand qui la clôt par un rituel d’adieu après avoir annoncé et préparé la mort du groupe 82 en tant que tel. Sylvie Braun nous met en cercle et demande à chacun de dire son prénom qui sera ensuite repris par chaque membre du groupe. Les prénoms passent de bouche en bouche, de voix en voix ; ce sont différents timbres, différentes intentions, différents sourires, expressions et gestes qui accompagnent ; c’est déjà une mélodie qui s’installe, mélodie des voix du groupe, des prénoms, rituel de naissance de chacun à soi par l’autre et parmi les autres. Une concentration, une écoute s’installent, une énergie circule de voix en voix, quelqu’un dira même « Pour la première fois je me sens exister », reconnaissance par la communauté… Nous sommes déjà en musicothérapie. Le prénom nous dit Sylvie est le premier outil ; il ne fait qu’un avec l’identité de la personne. Ce n’est rien de le dire ; il faut l’avoir senti, en avoir fait sciemment l’expérience pour en faire quelque chose comme thérapeute. C’est ce qui se passe dans cet exercice tout simple qui nous a été montré en nous le faisant faire. Cet exercice et la présentation succincte que chacun fera de lui-même ensuite scelleront la naissance du groupe 82, ponctuée par un coup de gong. Le rituel de fin, institué par Dominique Bertrand fut que chacun rende à chacun comme en un miroir le visage qu’il avait montré lors de la formation en lui disant comment il avait été vu, ce qui était ressorti de sa personne. Là aussi ce fut un beau cadeau et une belle expérience à mûrir, jouant sur l’image narcissique, nécessaire à la constitution d’un être humain et à son identité. Quel bonheur de partir avec ces paroles bienveillantes sur soi ! Mais il faut là aussi en avoir fait l’expérience pour pouvoir le reprendre et le répéter avec d’autres dans d’autres circonstances et comme thérapeute.

Je viens d’insister sur les rituels de début et de fin des sept semaines de formation. Ce n’est qu’un exemple et une partie du cadre qui a été posé. J’aurais pu parler de l’importance du lieu, de la salle de formation, lieu fixe que le groupe s’est approprié aussi peu à peu au cours de la formation, des horaires bien déterminés et réguliers, de l’obligation de présence, du cadre différent de chaque intervenant, de l’accueil, de la bienveillance et de l’attention qu’ils nous ont manifestés.

LA DYNAMIQUE DE GROUPE Voilà une autre chose que j’ai découverte et dont j’ai bénéficié au cours de cette formation : la dynamique de groupe ; le groupe 82 lui-même a été encadré pour la formation et traité comme un être humain à part entière avec une identité, une naissance, une vie et une mort et tout au long avec beaucoup de bienveillance. J’ai fait l’expérience de toute la liberté que pouvait apporter un groupe au cerveau droit s’il est vrai que celui–ci travaille sur un modèle analogique. Je me suis sentie bien au milieu des autres et très libre d’être moi-même. Faire des exercices en groupe permet tour à tour d’être porté par le groupe ou par telle ou telle personne ou de porter le groupe ou telle ou telle personne. Les groupes au sein du groupe sont aussi précieux pour créer les liens. L’apport du groupe à l’individu est très remarquable. Pilar Garcia nous a bien montré que certains n’osant pas chanter seul, se sont mis à chanter et à participer en groupe. Le travail sur les harmoniques avec Dominique Bertrand allait aussi dans ce sens : l’union fait la richesse ! Le groupe permet d’oser au-delà de ses limites habituelles et ainsi d’approfondir sa propre voix. Le groupe est un élément thérapeutique. Voilà encore une expérience riche pour mon métier de thérapeute, expérience que j’ai pu réaliser au sein de cette formation de base.

LE BONHEUR DU JEU ET SON SERIEUX Je me suis beaucoup amusée pendant cette formation. Cela ne fait pas très sérieux de raconter cela dans un compte-rendu de formation. Et on pourrait attendre d’une formation qu’elle déverse ou même donne un savoir avec sérieux. Mais il me semble que dire que je me suis amusée, c’est dégager une des qualités de la formation. Elle intègre en son sein le jeu et en cela elle dote ces participants de l’énergie qu’il donne, de son élan, de toute la liberté qu’il inscrit dans une règle ainsi que de ce que révèle le jeu, matière à interprétation. Je me rappelle une journée de formation, à la fin de laquelle j’étais prête à recommencer tellement j’avais l’impression d’avoir engrangé d’énergie : j’étais galvanisée.

Cette journée s’était terminée par une série de jeux de balles, qui s’effectuaient en musique et dont le dernier tout simple consistait à lancer la balle à son partenaire d’en face qui l’ayant reçue, vous la renvoyait et ceci pendant tout le temps de la musique. Jeu tout simple s’il en est, mais est-ce le fait de le faire en musique, de le faire dans un cadre de formation, et dans un espace aménagé pour favoriser l’expérience, la sensation, la pleine conscience de ce qui se passe pour moi à tel moment, je ne puis déterminer la cause de cette impression de grande énergie mais elle était bien là. Avec ce jeu de balles m’était rendu évident qu’un lien, qu’un jeu de questions-réponses, qu’un dialogue d’émotions avait lieu et qu’il était possible de parler autrement qu’avec des mots. Et l’énergie libératrice et créatrice donnée par ce jeu et par bien d’autres encore, m’a fait comprendre l’importance du jeu en thérapie. Certains jeux nous ont été aussi montrés comme ayant une valeur symbolique et pouvant donner des indices d’interprétation : celui des balles qu’on tient dans la main en marchant les yeux fermés sur de la musique et qui nous sont subrepticement enlevées puis éventuellement redonnées. Il a été très intéressant pour moi après que chacun ait donné son impression, d’entendre dire que ce jeu pouvait révéler le rapport au deuil et à la perte de l’objet et permettre de le travailler. Beaucoup d’exercices et de « jeux » m’ont rappelé le sérieux du jeu dans la vie et tout spécialement sa nécessité en thérapie.

LA DIVERSITE DES INTERVENANTS : LE CHAMP DES POSSIBLES Dans la mesure où la musicothérapie est construite par le thérapeute, à partir de ce qu’il est, ou mieux encore par la relation du thérapeute et de son patient, avec la musique pour médiation, invitant le patient à faire lui-même son chemin, j’ai beaucoup apprécié la diversité des intervenants et cela a été pour moi une des richesses de cette formation de base de voir des intervenants si différents dans leur personnalité et leur façon de faire. Quelles qu’aient été les propositions, cela a permis de voir le champ des possibles. Chacun, s’il y prête attention, a suffisamment de potentiel et de bagage en lui pour développer sa propre façon de faire. J’ai été assurée sur ce point. La douceur et le calme qui émanaient de Stéphanie Lefebvre contrastant avec le côté combatif et ancré dans le sol de Sylvie Captain-Sass par exemple pouvait donner l’étendue des tempéraments possibles, tout comme la diversité des publics auxquels pouvait s’adresser la musicothérapie. La diversité des modes de musique proposés, sans oublier les musiques du monde, la possibilité d’intégrer des éléments comme le conte, la poésie, la parole qui est déjà une musique, mais aussi les cris, les soupirs, les « cornes de brume » ou « trompettes marines », l’exercice du griot, « passe-moi le sel », la machine infernale, la langue totalement improvisée, les instruments les plus contrastés, autant de possibilités, de matériaux disponibles pour élaborer soi-même ses propres séquences.

Ainsi se dégagent de fortes personnalités, des identités, des personnes, des façons de faire, des moyens extrêmement différents et complémentaires à partir desquels il est possible de s’imaginer composer soi-même. Ce n’est pas un savoir seul qui est enseigné mais une expérience qui est relatée et partagée. Elle permet de voir que chaque engagement est possible s’il est personnel. Les intervenants m’ont donné chacun à leur façon un enseignement pouvant être utile au métier de musicothérapeute. L’intervention de Jacqueline Léon sur le polyhandicap fait beaucoup réfléchir et au-delà de la spécificité du polyhandicap, ce qu’elle propose peut être repris avec d’autres publics. Ecouter la musique en 3 D directement sur le corps n’est pas le seul lot des polyhandicapés. Cela peut être aussi bénéfique à d’autres. Les chants proposés par Stéphanie Lefebvre aux prématurés peuvent être réutilisés auprès des enfants ou de certaines personnes en situation de handicap.

L’EXPERIENCE DE L’ALTERITE : LA JUSTE DISTANCE Cette formation de base m’a aussi fait réfléchir à l’autre, et aux modes de relations possibles avec lui, à l’empathie, la bienveillance, mais aussi la projection, le mensonge, le rejet, l’adversité. Le fait est que l’autre, bien que semblable sous certains de ces aspects généraux avec moi, reste souvent pour moi un grand mystère. Cette part d’inconnu reste irréductible et il me faut en tant que thérapeute apprendre à jouer avec. L’autre quoique je fasse, ne sera pour moi que dans une image très partielle de ce qu’il peut être. Cette ambiguïté de l’autre comme semblable à moi et irréductiblement différent est à considérer. J’ai éprouvé un grand étonnement à voir que ma musique préférée, qui véritablement peut m’émouvoir, n’avait pas le même effet sur les autres membres du groupe. Médiatrice pourtant, ici la musique ne me permettait pas de partager cette émotion à ce moment-là. L’altérité devenait une évidence, une difficulté (leurre de la rencontre, mystère qu’est l’autre différent de moi ; accepter de ne pas comprendre) mais aussi une richesse, permettant des univers intimes très différents à découvrir. Là encore expérience salutaire pour l’apprenti musicothérapeute. Comme en n’importe quel soin, ne pas projeter ! L’autre est autre et c’est tout en délicatesse et en humilité qu’il est quelquefois possible, même à mon insu parfois de l’accompagner en son chemin. L’objectif ne peut pas être celui trop ambitieux et trop invasif d’une aide, mais celui d’une proposition à partir de laquelle le patient peut faire son chemin. Je peux tenter d’entendre l’univers de l’autre pour lui faire des propositions musicales mais c’est à lui d’effectuer le travail sur soi que moi thérapeute je ne peux faire à sa place. Là aussi la formation de base nous a montré des exercices où la bonne distance à tenir était à sentir, et à respecter, des exercices où il y avait résonnance commune, mais aussi écart.

L’ECOUTE Beaucoup d’intervenants ont eu à cœur en son sein de favoriser le travail d’écoute et sur des modes différents. Pas seulement Emmanuelle Parennin qui l’avait mis comme thème de son intervention en septembre 2018. Pas seulement non plus les intervenants qui nous ont fait travailler à partir de la réceptivité de la musique comme Dominique Laudet et Vincent Bodu, qui nous ont montré deux modes d’application de la musicothérapie réceptive, mais tous ceux qui ont eu à cœur de nous faire faire des exercices. Je pense aussi à l’expérimentation corporelle des instruments pendant la séance avec Jacqueline Léon, séance riche en sensations corporelles et vibratoires, précieuses pour les proposer aux patients.

CONCLUSION Est-ce que je conseillerais cette formation ? Oui je l’ai déjà fait. Essentiellement pour un travail sur soi, une expérience qui est venue au bon moment pour moi. Qu’en sera-t-il pour les autres ? Est-ce que cette formation va m’aider dans le métier de musicothérapeute ? Oui, j’ai parlé de quelques expériences que j’ai faites au sein des exercices, au sein du groupe ; tout cela va m’aider et il y a des séances très concrètes comme celle d’Isabelle Pasquier qui m’ont donné des exemples sur lesquels m’appuyer concrètement dans un premier temps (et c’est précieux) pour bâtir une séance de musicothérapie avec ses séquences. Le fait d’avoir été contraint à l’expérimenter au sein du groupe a été bénéfique pour simuler et imaginer plus précisément une séance. C’est rassurant et nécessaire. Très concret aussi de ce point de vue là a été l’enseignement de Jacqueline Léon qui nous a donné quelques premières « armes » pour nous présenter et présenter la musicothérapie à une institution peu connaisseuse. Très concret aussi la composition d’une séance de relaxation avec Claire Malama et une autre avec Sylvie Braun ; tout comme la tentative d’élaborer une séance pour des cas bien précis avec Dominique Laudet. La richesse de cette formation de base aura été ces exercices et autour de ceux-ci l’échange qui s’en suivait. Pour moi, la formation de base a été exceptionnelle par toutes les expériences qu’elle nous a permises, et sur lesquelles nous pourrons appuyer et légitimer notre pratique de thérapeute. Si je remercie le CIM de m’avoir permis cette formation, c’est parce qu’elle m’a donné cet espace de jeu et de liberté.

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