COMPTE-RENDU DE LA FORMATION
Le premier contact avec Sylvie Braun, en juin 2006, m’emplit de joie. Je vais enfin découvrir la musicothérapie ! J’avais déjà pensé à entreprendre cette formation 4 ans auparavant mais je commençais tout juste les études d’orthophonie. Le 5 mars 2007 commence alors ma formation au CIM et mon aventure avec le groupe 60. Je suis à ce moment encore étudiante, en dernière année d’orthophonie, année du mémoire. Ce n’est pas une décision facile que d’entreprendre cette formation à ce moment là. Mais attirée par la relation d’aide, la communication et musicienne (violoniste), la motivation est plus forte que les problèmes d’organisation. Je choisis le CIM car je recherche une formation pratique avec des expériences à vivre, je ne veux plus d’une formation uniquement théorique et magistrale. Aujourd’hui j’ai fini la formation de base ; je parlerai donc du cadre ainsi que des apports personnels et professionnels de ces sept semaines.
Le cadre…
Noisy-le-grand, une ville nouvelle de banlieue parisienne… A part durant les grèves, qui nous permettent finalement de tisser des liens encore plus étroits avec certaines personnes du groupe, le CIM est assez facile d’accès pour moi (2 heures de trajet par jours). Le centre est agréable avec l’accueil bienveillant de Raymonde, la petite bibliothèque, la salle « pause café » qui permet de décharger les soupapes émotionnelles, et bien sûr la salle d’écoute et d’expérimentations… que certains ont nommé, et je me permets de reprendre le terme, le « petit laboratoire ». Le cadre est posé. Les bords de Marne pour se ressourcer, vue sur un carré de verdure derrière le centre dont les couleurs changent au fil des saisons… ces sept semaines de formation de base passent vite !
Le cadre se constitue aussi du groupe. Le groupe s’est modifié au cours de la formation avec l’abandon de deux stagiaires et l’arrivée d’une nouvelle stagiaire la dernière semaine. Mais le groupe reste un repère qui permet à chaque nouvelle semaine de se replonger dans la formation, de faire abstraction des occupations alentours et d’avancer dans l’aventure. En effet, nous sommes tous là dans le même but : devenir musicothérapeute. Les mots sont prononcés : pas de jugement. Je peux alors continuer sans craintes et ma timidité, que je chausse souvent dans un premier temps (j’avais levé le doigt lors de la question « où sont les timides ?» de Dominique Bertrand), s’est vite dissipée. Le groupe 60 est un groupe dynamique et rassurant.
Enfin, sans formateurs le cadre n’est pas. Le cadre est d’ailleurs posé dès la première rencontre avec Sylvie Braun : organisation, contenu, but de la formation. Tout au long de la formation, j’apprécie la diversité des interventions et des formateurs, ainsi que le rythme d’une journée par intervention. Une journée entière permet de passer de la théorie à la pratique et de laisser venir les réactions. Je tiens à remercier l’ensemble des formateurs pour leur enthousiasme à venir partager avec nous leur expérience. En particulier, j’apprécie les interventions régulières de Dominique Bertrand, son investissement dans la dynamique du groupe ainsi que sa façon de nous aider à cheminer pour devenir thérapeutes à l’écoute de l’analogique et du digital. Les journées de formation proposées par Sylvie Braun mêlent l’écoute musicale à l’émotion (un montage qui parle de soi…) et à la technique (un montage qui relaxe l’autre…). Je constate alors à quel point la musique a le pouvoir de nous représenter. En effet, les remarques des uns et des autres sur le montage qui me représente tombent souvent très justes et cela ne va pas sans provoquer une grande émotion. Les interventions de Vincent Bodu me permettent de comprendre concrètement ce qu’est la musicothérapie réceptive et de réfléchir à la subjectivité d’un choix musical. De même, les journées de Dominique Laudet sont très riches d’informations pour aider à l’élaboration d’une séance de musicothérapie. Je regrette seulement de ne pas avoir eu l’occasion de réfléchir à d’autres cas cliniques. Grâce à la journée très dynamique d’Anaïs de Tanguy Simon, je découvre la sophrologie ; discipline qui, contrairement à ce à quoi je m’attendais, correspond tout à fait à mes principes de vie. Je relierais cette journée aux interventions de Christine Mulard qui nous parle de la gériatrie avec plaisir et poésie et qui me fait prendre conscience de l’importance du regard, de la stabilité et de s’écouter soi pour mieux écouter l’autre. En ce qui concerne la musicothérapie active, les jeux d’éveils sonores et sensoriels proposés par Bernard Alet sont une source d’idées et d’expériences concrètes que je souhaite vivement exploiter ; à la fin de la journée j’aurais aimé crier « encore ! ». Le village de Jean-Marie Bologassa me rappelle mes cours de danse africaine et me donne beaucoup d’idées pour lier corps et musique, j’aurais aimé m’amuser davantage… à suivre en spécialisation créativité. Le thème proposé par Pierre Bénichou nous permet de partager agréablement notre patrimoine musical, et en ce qui me concerne, de dépasser mon angoisse récurrente quand il s’agit de jouer du violon devant des personnes. Les expériences et les idées rapportées par Hélène Décis ou par Anne Bauer me permettent de mieux envisager le métier de musicothérapeute auprès d’enfants. L’expérience de Pilar Garcia me conforte dans l’idée de mettre en place des séances de musicothérapie auprès des enfants sourds. Ses témoignages me donnent également envie de travailler auprès des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. En tant qu’orthophoniste, le travail que Pilar Garcia propose autour de la voix, me touche beaucoup. Grâce à elle, je commence la guitare afin d’accompagner ma voix chantée. Les interventions proposées par le CIM ne sont pas neutres. Elles me conduisent, lors des semaines de formation ou en dehors, à élaborer une réflexion sur moi-même ou sur ma pratique professionnelle actuelle et future.
La formation d’un point de vue personnel…
Cette formation est une très belle aventure humaine. Elle amène à rencontrer des hommes et des femmes, stagiaires ou formateurs, riches d’expériences personnelles ou professionnelles, tous prêts à partager. C’est de cette générosité que naît toute la valeur de cette formation. Bien sûr, rien ne nous oblige à dévoiler notre jardin secret ; les journées se déroulent dans le respect et l’écoute des uns et des autres. J’ai fait confiance au groupe 60, et le groupe 60 ne m’a pas déçue. Le groupe 60 m’a beaucoup enrichie grâce aux différents caractères qui le composent. La force de cette formation réside dans la diversité du groupe : l’humain ne rentre pas dans des cases, nous sommes tous différents avec nos parcours personnels ou professionnels. Nous avons beaucoup échangé, partagé avec respect et ouverture d’esprit. C’est grâce aux réactions des différents « composants » du groupe que le laboratoire fonctionne. Ainsi, la dynamique de groupe a un sens. Je crois n’avoir vraiment compris cela que durant la troisième semaine de formation. Jusque là, j’avais écouté et participé mais je ne m’étais pas vraiment « servie » des réactions des autres stagiaires. Dans les exercices reposant sur la dynamique du groupe, les regards positifs que certains membres du groupe ont posés sur moi, m’aident à prendre confiance.
Cette formation n’est pas une thérapie personnelle, mais elle a eu des répercussions sur ma façon d’être. Après des années d’études très magistrales et théoriques, on m’apprend au CIM à mieux écouter mon ressenti et mes affects, quel changement ! Cette formation est donc chargée émotionnellement : que ce soit lors de la création de montages, ou lors des différents jeux et exercices qui mettent en avant notre personnalité. De plus, apprendre à être thérapeute change le regard sur ce et ceux qui nous entourent : aujourd’hui, je suis encore plus à l’écoute, et surtout à l’écoute au-delà des mots. J’écoute la petite musique de chacun d’entre nous : les silences, la respiration, les rythmes de vie, l’accord ou les dissonances entre ce qui est dit et ce qui apparaît. De la même façon, je suis plus à l’écoute de ma propre musique qui a d’ailleurs évolué tout au long de cette formation. Je crois, par exemple, que si le montage « qui nous représente » était à refaire, je le ferais un peu différemment ; j’y ajouterais des respirations. Aujourd’hui je me sens plus à l’écoute de moi, et donc plus à l’écoute des autres. J’ai compris toute l’importance d’une bonne stabilité et d’un bon ancrage pour tendre une meilleure oreille vers l’autre, enfant ou adulte. La relation est plus vraie. Ces prises de conscience personnelles sont entièrement transposables à ma vie professionnelle.
D’un point de vue professionnel…
Cette formation s’est donc déroulée pour moi en deux étapes : de mars à juin j’ai une vision estudiantine, de septembre à janvier j’ai une vision plus professionnelle puisque je travaille maintenant dans une école intégrée qui accueille des enfants sourds et des enfants dysphasiques (troubles sévères du langage)… des enfants en mal de mots…
De mars à juin, je ne peux que projeter les apports de la formation sur la représentation que j’ai des applications de mon futur métier. Je sais déjà plus ou moins que je vais travailler avec des enfants sourds et des enfants dysphasiques et je connais la structure qui va sûrement m’embaucher. A ce moment là, je n’ai donc pas vraiment d’idées concrètes sur l’utilisation de la musicothérapie dans mon futur univers professionnel. Je peux donc penser à plein d’idées sans avoir comme rappel à l’ordre les contraintes institutionnelles. Je ne fais donc absolument pas le tri dans les interventions proposées par le CIM. Je m’ouvre à tous les thèmes même si au final je n’accroche pas de la même manière à toutes les interventions. Je me sens un peu plus attirée par la musicothérapie active car c’est le type d’application qui me semble le mieux adapté à ma personnalité et à ma future pratique professionnelle.
Lorsque je suis embauchée en septembre, je m’investis au mieux dans mon activité professionnelle et j’y prends beaucoup de plaisir. C’est d’ailleurs difficile pour moi de quitter mon travail pour revenir en formation. Ces absences régulières ne facilitent pas la mise en place d’une relation de qualité avec les jeunes patients dont je m’occupe. Cependant, à chaque semaine de formation, je retrouve le groupe, les formateurs et je suis finalement très contente d’être là pour découvrir de nouveaux thèmes et vivre de nouvelles expériences. Travaillant maintenant dans une institution, je me rends compte que ce ne sera peut-être pas si évident de mettre en place toutes mes idées. Toutefois, mes collègues, très intéressées par ma formation, me proposent assez vite d’élaborer un petit projet autour de la musicothérapie. Contrairement à ce que je pensais au départ, je m’oriente finalement vers l’utilisation de techniques de musicothérapie réceptive auprès d’un groupe d’enfants pré-adolescents dysphasiques. Les enfants sont heureux de participer à ces temps particuliers et ces moments partagés ensemble sont riches d’échanges. A leur demande, ce temps va peu à peu se compléter par des moments plus actifs, ce qui me semble tout à fait répondre à leurs difficultés de communication. Ainsi, je reste persuadée que l’orthophonie et la musicothérapie sont des disciplines très complémentaires, touchant chacune d’elles à notre communication et à notre expression.
La formation au CIM nous aide à réfléchir sur notre pratique professionnelle. Elle sème des doutes et pose des questionnements. Etant dans une démarche rééducative, je suis déjà dans une relation d’aide. Cependant, les études d’orthophonie sont des études extrêmement scientifiques où on ne prend pas assez le temps, dans la pratique, de s’intéresser aux aspects psychologiques des prises en charge. La formation de musicothérapie apporte beaucoup d’éléments théoriques et pratiques en psychologie. Aujourd’hui, je suis donc beaucoup plus attentive et réceptive aux éléments psychologiques lors de mes prises en charge orthophoniques ce qui les rend encore plus intenses et intéressantes. Mieux à l’écoute de l’autre, je suis plus attentive aux problématiques des patients. Je suis également plus consciente de tout ce qui se passe lors d’une séance : je me sens donc plus professionnelle face à la relation d’aide.
Le groupe permet d’expérimenter. Les jeux de rôle, qui ne sont réalisables que grâce à une bonne dynamique de groupe, me permettent de mieux comprendre la théorie. J’ai aimé jouer tour à tour le rôle de patient ou de thérapeute car ces jeux ont été réalisés dans la sincérité et le respect de l’autre, sans jugement, sans a priori. Pourtant, s’ouvrir à l’autre en dehors d’une relation thérapeutique n’est pas un exercice facile ; mais lorsque le cadre est posé, rien ne semble impossible et on apprend beaucoup.
Par la suite, j’aimerais mettre en place des temps de musicothérapie auprès des enfants sourds (autour de la créativité et de la représentation de leur schéma corporel). J’aimerais également travailler auprès de personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de maladies dégénératives. Mais les applications de la musicothérapie sont très vastes et je souhaiterais avoir des occasions de travailler dans divers domaines même dans ceux auxquels je ne pense pas encore…
Tout au long de la formation de base, j’ai découvert des outils et des techniques psychomusicales, j’ai affiné mon écoute de l’autre et de moi-même, j’ai également réappris à écouter la musique… L’idée que je me faisais de la musicothérapie a beaucoup évolué. Je n’ai plus peur d’utiliser la musicothérapie réceptive et je comprends mieux les principes de la musicothérapie active. J’ai beaucoup appris de la dynamique de groupe et de chaque formateur. Cette formation est très riche, même si je n’ai pas adhéré à toutes les interventions. J’attends avec impatience la spécialisation créativité ainsi que la formation d’un nouveau groupe pour vivre de nouvelles aventures…